Les délais déraisonnables d'attente pour passer son permis de conduire ne risquent pas d'être raccourcis et son coût ne devrait pas baisser. C'est en tout cas le cri d'alarme des auto-écoles, qui ne décolèrent pas à l'approche de la remise du rapport définitif sur la refonte du permis de conduire. Ces dernières, fréquemment accusées d'être responsables du mauvais fonctionnement du passage du permis et de son coût élevé et lassées de porter le chapeau, ont décidé de riposter. Chiffres à l'appui. À quelques jours de la sortie du rapport sur le permis, commandé en septembre 2013 par Manuel Valls, et remis à son successeur place Beauvau, Bernard Cazeneuve, l'Union de la profession de l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière tient une conférence de presse mardi matin. Elle compte y dénoncer l'inefficacité des principales pistes de travail du rapport, déjà connues.
Autoriser la conduite accompagnée dès 15 ans, passer l'examen pratique dès 17 ans et demi, créer «une période probatoire» avec une formation avant l'attribution du permis… Cela ne règle en rien le «scandale des délais d'examen du permis de conduire»et ne devrait pas mettre fin au parcours du combattant pour les candidats, fulminent ces structures indépendantes et variées qui ont décidé de faire cause commune sous une seule bannière.
«Le rapport tape à côté, s'agace Bruno Garancher, président de l'ECF (École de conduite française). Cela ressemble plus à une réforme de la formation de jeunes conducteurs, certes novatrice en termes de sécurité routière, mais qui ne changera rien à la problématique des délais et des places d'examen. Il y aura toujours des jeunes qui devront patienter de plus en plus longtemps, alors qu'ils ont besoin de leur permis B pour travailler, et des professionnels bloqués par l'obtention tardive des permis poids lourd.»
Actuellement, le délai moyen pour repasser son permis B après un échec s'élève à près de quatre mois, soit entre 80 et 160 jours, relève la profession. Plus du double du délai d'un mois et demi affiché par les autres pays d'Europe. Cette attente fait gonfler la facture puisqu'elle oblige les candidats à financer des cours intermédiaires pour maintenir leur niveau avant de se faire évaluer. Ce surcoût financier est chiffré à 500 euros supplémentaires pour un futur conducteur en attente d'un rendez-vous de passage, pointent les enseignants de la conduite.
Accélérer le processus et réduire les coûts passe par l'augmentation du nombre d'inspecteurs ou la réorganisation de leurs missions, plaident les auto-écoles. «C'est le nerf de la guerre», commente Bruno Garancher. Au nombre de 1 289, ces inspecteurs ne seraient en fait que 923 à faire passer des examens, selon les chiffres de la DSCR (Délégation à la sécurité et à la circulation routières). «Où sont les inspecteurs manquants et comment est géré l'emploi du temps des autres?» interroge l'Union des professionnels de l'enseignement de la conduite. Cette dernière dénonce en effet un agenda mal organisé par l'État et pour le moins «dispersé» avec seulement 43 % du temps des inspecteurs consacré aux examens «voiture», le reste étant grignoté par des missions administratives ou de contrôle.
Enfin, la «gestion calamiteuse des effectifs entraîne des inégalités territoriales dramatiques dans des départements qui ne bénéficient pas de la moitié des effectifs prévus», poursuivent les professionnels des écoles de conduite. Parmi ces points noirs figurent notamment la couronne parisienne, le Pas-de-Calais, la Drôme, le Gers ou encore les Côtes-d'Armor. Pour y remédier, les auto-écoles préconisent enfin une gestion centralisée du dispositif et non décentralisée comme c'est le cas aujourd'hui. Si ces propositions ne sont pas examinées, les enseignants de la conduite envisagent de protester en juin avec une grande opération de communication sur tout le territoire. La perspective d'une action judiciaire contre l'État est également évoquée par certains professionnels.
Merci à J.M. pour cette article !