Faire annuler son amende en deux clics, trois mouvements ? C'est ce que propose un jeune cabinet d'avocats parisien depuis l'été dernier.
« Ennemie jurée de l'arbitraire, la forme est la soeur jumelle de la liberté. » La devise du juriste allemand Rudolf von Jhering (1818-1892) est aujourd'hui le leitmotiv de Yohan Dehan et Allan Schinazi, inventeurs de la première application téléchargeable sur Internet qui permet de faire annuler ses PV en traquant les vices de forme.
Ces deux jeunes avocats n'en sont pas à leur coup d'essai. Il y a quatre ans, alors étudiants en droit à l'université Paris-Est Créteil (UPEC), ils avaient créé le site StopPV.com. Cette initiative leur avait d'ailleurs valu des poursuites de la part de cabinets spécialisés en droit de la route « pour exercice illégal de la profession d'avocat ».
Entre-temps, Yohan Dehan et Allan Schinazi, 27 ans chacun, ont réussi l'examen du barreau. Les deux amis peuvent désormais se prévaloir de la qualité de « conseil ». Le premier a posé sa plaque au 102, rue de Longchamp en février dernier. Le second, encore avocat stagiaire, devrait prêter serment début 2016.
Une appli simplissime
Les deux juristes ont mis en ligne, en juillet dernier, leur application. « Nous avons voulu favoriser la simplicité d'utilisation », indique Allan Schinazi. Il suffit ainsi aux automobilistes de prendre une photo du PV et de l'adresser par mail au cabinet d'avocats. « En nous fondant sur la jurisprudence, qui a beaucoup fluctué ces derniers temps, nous indiquons aux personnes qui nous démarchent quelles sont leurs chances de voir cette amende annulée », complète Yohan Dehan.
Yohan Dehan et Allan Schinazi © DRLes deux avocats parisiens développent cette application depuis six mois. © DR
Rompus aux arcanes de la procédure pénale, les deux garçons se font fort d'obtenir gain de cause dans 80 à 90 % des cas. « L'automatisation des procédures avec les PV numériques a encore augmenté notre taux de réussite, car les boîtiers électroniques de la police ne délivrent pas toujours des contraventions conformes à la réglementation », indique M. Dehan. « Les irrégularités de procédure sont nombreuses et elles nous permettent souvent d'obtenir l'arrêt des poursuites », fait valoir M. Schinazi.
Combien ça coûte ?
Parce qu'il s'agit d'un contentieux de masse (25 millions de PV sont dressés chaque année en France, NDLR), les deux avocats peuvent pratiquer des tarifs abordables en se rattrapant sur le volume... Compter 20 euros pour un stationnement gênant pouvant justifier l'intervention de la fourrière et 85 euros pour toutes les autres infractions au Code de la route : du feu rouge à l'excès de vitesse. « Ces tarifs n'incluent pas la représentation éventuelle des clients devant les tribunaux de police, notamment pour les conduites en état d'ivresse », prévient tout de même Yohan Dehan, qui demande entre 300 et 1 000 euros supplémentaires selon les dossiers.
En trois mois, plus d'un millier d'automobilistes auraient téléchargé cette « appli », selon ses inventeurs. « Comparé au million de téléchargements de l'application amende.gouv.fr [qui permet de régler ses PV en ligne, NDLR], nous avons une petite marge de progression », sourit Allan Schinazi.
Les « vieux » avocats tirent la langue
Les ténors du barreau qui avaient tenté de leur interdire de se lancer sur ce juteux marché en 2011 s'en mordent les doigts. Les contempteurs d'hier encaissent difficilement cette concurrence sur le Net. Le cabinet Dufour qui pratique le droit routier depuis une douzaine d'années a ainsi été mis en redressement judiciaire en août dernier. Les quatre autres avocats parisiens spécialisés dans les « permis de conduire » qui leur avaient cherché des ennuis il y a quatre ans réalisent qu'ils ont peut-être mal négocié le virage numérique. D'autant que plusieurs collègues américains et canadiens ont déjà démarché les deux Frenchies pour voir comment ils pourraient décliner cette formule dans leur pays.
DROIT DE RÉPONSE
« Dans un article paru le 29 octobre 2015 sur le site internet Le Point.fr intitulé « Une appli pour faire sauter les PV », vous avez indiqué au sujet de la procédure initiée en 2011 par les ténors du barreau que sont Me Samson, Me Caumont et Me Dufour à l'encontre du site « STOP PV » et de messieurs Dehan et Schinazi que nous nous en mordrions les doigts et que nous encaisserions difficilement la concurrence de l'application nouvellement créée par Monsieur Dehan. Il convient de préciser toutefois à vos lecteurs que Messieurs messieurs Dehan et Schinazi, ainsi que la SAS STOP PV, ont été à maintes reprises condamnés par la justice et que nous n'avons que faire de leur « concurrence ».
Ainsi, par un premier arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 mars 2012, ces derniers ont été condamnés à devoir retirer de leur site internet www.stoppv.com et de Facebook toute publicité, toute offre de service et tout acte de démarchage visant des consultations juridiques, la rédaction d'actes juridiques et la conclusion de mandats de représentation en justice, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Ces étudiants n'ayant jamais voulu exécuter cette décision, nous avons donc été contraints de faire supprimer ce site, qui avait été délocalisé en cours de procédure aux États-Unis pour fuir la justice française.
Messieurs Dehan et Schinazi ont ensuite multiplié les procédures pour ne pas devoir payer l'astreinte prononcée initialement à leur encontre par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil pour un montant de plus de 300 000 euros ! La cour d'appel de Paris a ainsi été saisie à quatre reprises par Messieurs Dehan et Schinazi et elle a débouté ces jeunes gens par quatre arrêts rendus le 20 novembre 2013 par la chambre 7 du pôle 2, le 16 octobre 2014 par la chambre 2 du pôle 1, le 13 mai 2015 par la chambre 8 du pôle 4 et le 2 juillet 2015 par la chambre 2 du pôle 1. Même si le montant de l'astreinte liquidée a été réduit provisoirement par la cour d'appel (la Cour de cassation étant saisie sur ce point), l'ardoise de ces jeunes gens s'est toutefois alourdie en cours de procédures de plus 50 000 euros de nouvelles condamnations ! Il est donc ridicule de laisser croire que nous pourrions nous mordre les doigts d'avoir fait supprimer le site « stoppv.com » puisque leur activité a alors cessé immédiatement. Monsieur Schinazi,qui ne semble pas avoir compris la leçon, se présente d'ailleurs toujours dans cet article comme avocat alors qu'il ne l'est même pas en réalité.
Ajoutons au sujet de l'application Flash Avocat que celle-ci ne sert nullement à faire annuler des PV mais simplement à communiquer une capture-écran d'un avis de contravention au cabinet de monsieur Dehan. Cela n'a donc rien d'innovant puisque nos clients utilisent depuis longtemps l'appareil photo de leur téléphone pour nous transférer des fichiers et solliciter nos avis. La capture-écran d'un PV ne sert de toute façon à rien puisque le Code de procédure pénale impose de transmettre l'original du PV avec la contestation. Il s'agit donc ni plus ni moins que d'un gadget marketing, d'autant que cette application est contraire au règlement intérieur des avocats, ce qui vaudra très prochainement à monsieur Dehan un nouveau procès, mais il y est habitué...
Enfin, il est suggéré dans ce même article que le Cabinet Dufour, qui pratiquerait le droit routier depuis quarante ans, serait en redressement judiciaire du fait de la concurrence de monsieur Dehan. Je rappelle cependant que, même si je bénéficie effectivement d'une grande notoriété dans ce domaine pour avoir obtenu des décisions de justice qui font jurisprudence, je n'exerce la profession d'avocat que depuis douze ans et que le redressement que j'ai sollicité n'est que le résultat des malversations et du détournement de sa clientèle par un associé indélicat. Au risque de décevoir monsieur Dehan, qui n'a d'ailleurs même pas un an de barreau, il n'est pour rien dans ce redressement judiciaire dont l'intérêt est de geler les dettes du cabinet et d'envisager une continuation plus sereine de son activité.